Martine AUBRY ratrappés par les emprunts toxiques

Lille et Martine AUBRY rattrapés par les emprunts toxiques

Par François Krug, Eco89 13 octobre 2009

 

Une enquête de Rue89 l'avait révélé il y a un an, un audit dévoilé par Les Echos ce mardi le confirme : la communauté urbaine de Lille s'est largement financée grâce à des emprunts à très haut risque.

Des produits «toxiques» qui n'inquiétaient pas grand-monde en période de croissance économique.
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Aujourd'hui, Martine AUBRY envisage de traîner ses banquiers devant la justice.

En septembre 2008, comme l'avait expliqué Rue89, la communauté urbaine de Lille s'était alarmée : plus de 57% de sa dette était constituée de « produits structurés », des placements indexés sur des devises exotiques, très rémunérateurs en période de croissance. Et très dangereux en période de crise.

Une dette « toxique » à 36%

L'audit du cabinet Klopfer confirme que Martine Aubry a de quoi s'inquiéter. Selon les résultats de cet audit, révélés par Les Echos, la dette de la communauté urbaine de Lille est constituée à 54% de produits spéculatifs, pour un montant de 813,5 millions d'euros.

Plus inquiétant, l'audit précise que l'essentiel de ces produits ne sont pas seulement spéculatifs, mais aussi toxiques.

Selon le cabinet Klopfer, 554 millions d'euros, soit plus de 36% de la dette totale, sont adossés « à des produits hautement spéculatifs qui varient en fonction d'indices exotiques ».


Martine AUBRY met en cause les banquiers.

Selon Les Echos, elle veut poursuivre en justice Dexia, banque devenue une des principales sources de financement des collectivités locales, et « deux autres établissements ».

 

A la communauté urbaine de Lille, 57% de la dette en produits complexes

L'information est passée inaperçue : le 25 septembre, le conseil de la communauté urbaine de Lille a voté la délibération «Réaménagement de la dette communautaire en 2009». Vote à l'unanimité, sur la foi d'un rapport présenté par Martine AUBRY. Le texte s'achève par cette phrase mystérieuse qui autorise la présidente de la CULM :

«A faire appel en cas de besoin à des index référencés en devises étrangères de pays n'appartenant pas à la zone euro, dans la mesure où ces devises présentent des taux attractifs et un risque de change maîtrisé, et dans la limite de 15 % de l'encours de dette au 31/12/2008 »


Taux « attractif » ? Risque de change « maîtrisé » ? C'est la deuxième fois que les élus autorisent la collectivité à prendre des risques sur les marchés financiers. Et pas n'importe lesquels : le même jour, dans la délibération « Recours aux instruments de couverture du risque de taux et de change en 2009 », un chiffre est lâché :

« Au 31 décembre 2007 le portefeuille d'instruments de couverture comprenait 48 contrats représentant un montant notionnel de 955 068 669,46 euros, soit 57,40 % du stock de dette.»

En clair, sur les 1,7 milliard d'euros de dette, 57% sont adossés à des produits spéculatifs. Le banquier du Grand Lille?


Dexia… la banque qui assure les trois-quarts des crédits dédiés aux collectivités territoriales françaises. L'adjoint aux finances de Lille, Pierre de Saintignon, assure que les produits structurés ne représentent que 30% de la dette (160 millions d'euros) :

« Nos produits structurés sont des produits plutôt simples (essentiellement des taux fixes bonifiés avec des barrières sur les taux variables) et nous ne disposons pas de produits basés sur la pente de la courbe des taux (qui ont été les produits les plus risqués ces derniers mois) ni de produits exotiques sur le change. »

L'argentier de Lille n'en dira pas plus : il négocie en ce moment avec les banques.

Des prêts indexés sur les produits les plus volatiles


Pour comprendre, il faut revenir trois ans en arrière. A partir de 2005, les fertiles cerveaux du trading imaginent de lancer sur le marché des collectivités locales de nouveaux produits. A l'époque, les taux d'intérêts sont encore très bas. Les communes présentent un très bon facteur de risque et surtout elles sont de plus en plus endettées. La recette des banquiers pour réduire cette dette ? Parier sur les « taux structurés ».

Les gros établissements de la place (Dexia, Crédit Agricole, Caisse d'Epargne) proposent à leur client ces prêts très spéciaux :

Les taux fixe à barrière désactivante.
Ces contrats prévoient une période de grâce (ou de bonification) de deux ou trois ans durant laquelle le taux applicable à l'emprunt est inférieur au coût de l'argent. Puis, une fois la « barrière » désactivée, le taux d'intérêt est calculé sur la base d'un autre indice européen, type Euribor, mais sans être « capé », c'est-à-dire sans limite…

 

Puis, des contrats de deuxième génération sont apparus -appelés « taux à effet de levier »- ils proposent la même chose et cette fois-ci le taux de référence n'est plus un indice, mais un calcul d'indice. En clair, un produit hautement sophistiqué comme l'écart entre deux taux, une option sur des cours de matières premières… bref, un indice hautement volatile.

 

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